« Dans la pénombre de la nuit, si vous placez une toile vierge, blanche, la nuit, entre feuillages et réverbère, vous découvrirez une peinture digne des maîtres de l’art pictural asiatique.
Jeune, après la vision de “Passion” de Godard, je vivais une révélation esthétique identique, en sortant du cinéma, le souvenir de la lumière sur La ronde de nuit de Rembrandt reconstituée dans le film me ravissait comme la lumière de l’éclairage publique sur les arbres de la rue qui mène chez moi.
Les nabis, Goya ou les caravagesques, leurs tableaux expriment toutes les nuits ou les entre chiens et loups possibles. Pourtant, jamais les nuances de leurs nuits figurées ne seront aussi nombreuses que dans la nature. Percevoir le caché éveille l’imagination, le désir, une forme d’érotisation de l’art.
La nuit venue, je couche sur mes rêves de peinture des formes aux ombres trop vites enfuies.
Ces ombres bougent, les feuilles bercées par le vent du soir sont vivantes. Parfois, la silhouette d’un insecte se déplace sur une tige, un spectacle d’ombres chinoises. Les noirs sont multiples, ou plutôt les gris nombreux, impossible de distinguer dans le noir la palette. Pour peindre, il faut s’être organisé à l’avance, un pot par valeur, trois ou quatre pots, pas plus ( je suis rarement aussi bien organisé que je le laisse entendre).
” Enfin, à ce moment, je ressentis la peinture, car je ne la voyais pas .”
Je racontais cette expérience comme une aventure extraordinaire.
La peinture est en devenir, je ne sais pas où je vais, excepté le plaisir de peindre. Un pattern, une tapisserie, un presque rien. Paysagiste de l’intime, une vision rapprochée mais floue de la nature est écrite sur la toile ou le papier. Peut-être proche des photographes “feuillagistes” dont Jean-Luc Chapin me parlait dernièrement. Mais je n’ai pas d’objectif, juste un pinceau subjectif.
Christophe Massé m’a offert en me proposant un moment sous la tente, non pas d’exposer un résultat pictural abouti, mais de montrer la genèse d’une recherche.